Vivre en communauté se résume à suivre un rythme qui nous est imposé. La cadence de travail et de productivité d’une usine finit par imprégner le tempo avec lequel nous abordons notre quotidien. Ces injonctions d’efficacité assénées tels des mantras viennent peu à peu imprégner notre inconscient à la manière de l’épée sortant de la braise coincée entre le marteau et l’enclume. Ces dires portés au pinacle ne font l’objet d’aucune contestation de notre part. Nous les acceptons sans broncher comme les sermons du curé de notre paroisse. Pourtant, sommes-nous tous faits pour une vie accélérée, précipitée dans la brumeuse sphère de l’efficacité ? Bien vivre, est-ce devenir ce bon soldat productiviste ? Doit-on répondre à ces sommations tel un béni oui-oui effarouché ? Avons-nous notre mot à dire ? Pouvons-nous proposer notre propre mélodie et inviter le monde à danser avec nous ?
La frénésie qui peut nous envahir n’est en fait qu’une mince portion de la réalité humaine. L’exaltation consumériste (le pendant du productivisme) n’a pas encore gagné tous les continents. La musique jouée sur les ondes radiophoniques d’un monde ultra concurrentiel n’est pas arrivée dans tous les foyers. L’ardeur et l’agitation que procure la passion pour le rendement ne sont que l’apanage de certains. L’insouciance et une forme de légèreté règnent encore dans quelques parties du globe. Les notes suaves qui s’en dégagent arrivent à pénétrer l’air ambiant de telle façon que ses habitants entrevoient parfois un avenir fait de matins qui chantent et de balades bucoliques.
Garder une forme d’innocence de telle façon que cela nous offre la possibilité de regarder l’univers autrement que selon le prisme du pragmatisme est une chance. On veut faire de nous des Stakhanov alors que nous pourrions tout autant aspirer à suivre les pas de Tchekhov.
Pour peu qu’on nous impose la musique, il ne tient qu’à nous d’inventer des paroles pour nous approprier la chanson de notre vie.